Le mécontentement des agriculteurs est légitime face à des aberrations administratives déclaratives contraignantes, répétitives ainsi qu'aux règles de marché n'évoluant pas en leur faveur. Le monde viticole n'est pas épargné. Faisons un état des lieux objectif et proposons des solutions pragmatiques ?
Par Franck A Le : 26-07-2024
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Ce n'est pas nouveau et chaque année on redit la même chose : la consommation de vin diminue et les volumes à l'export se contractent. Elle est dûe simplement aux modifications du marché (consommation). Le visage du consommateur a profondément changé. Il y a trois strates de consommateurs : les +70 ans, les 45-60, la jeunesse (18-40).
Le premier groupe est constitué de consommateurs où il y avait toujours une bouteille de vin à table ! Cette tranche n'est plus majoritaire dans le panel des consommateurs et décline. Ces nombreux consommateurs de vin sont peu à peu remplacé par les consommateurs du deuxième panel.
Le deuxième groupe a grandi dans la culture de la bonne table. Lorsque l'on va au restaurant ou au repas de famille le dimanche par exemple, on ouvre une bouteille de vin qui accompagne l'évènement . Le renforcement des contrôles de l'alcool, les campagnes de prévention, l'accès à l'information sur les méthodes de production et donc sur les intrants viti/oeno utilisés, ont fait basculer ces consommateurs dans un mode attentif et consomment donc de manière éclairée.
La dernière tranche a plus ou moins été éduquée (par leur parents issus de la deuxième tranche) sur le rôle du vin dans notre mode de vie. Cette population de consommateurs évolue dans un monde ultra connecté qui évolue dans l’instantanéité. Ils n'ont pas le temps de réfléchir à quel type de vin ils préfèrent à l'instant T. Ils veulent une consommation de plaisir où il n' y a pas besoin de réfléchir pour choisir (un vin fruité et sec ou plutôt moelleux?). De plus, ils veulent du qualitatif. Résultat des courses, la bière artisanale a fait un boom : simple à boire, festif entre amis, du choix et quelque soit le choix, ce sera sympa, bon : bref pas de prise de tête.
Le modèle économique d’antan n'est plus le bon : la course à l’hectare ne sert à rien. Il faut faire moins, mieux et valoriser sa production. La course au rendement ne sert à rien et cela va dans le sens du premier conseil. Moins de rendement avec plus d'attention du biotope = un jus plus qualitatif et une possibilité d'une meilleure valorisation. Moins de surface, c'est aussi moins de produits phythos. Changer de paradigme cultural, c'est pouvoir mieux expliquer en quoi sa production est vertueuse. En plus de tout cela, adopter les nouveaux codes et donc le digital c'est resté connecté avec ses clients qui sont devenus très volatiles. Anticiper ce que veut le consommateur c'est s'ouvrir et/ou conserver des parts de marché.
C'est donc le consommateur qui décide : à charge au vigneron de s'adapter au marché : il doit être réactif. Les pouvoirs publiques ne peuvent rien y faire et revenir sur des lois comme la loi Evin par exemple ou en assouplir d'autres n'y changera rien. Le politique peut aider à la transition : Il faut voir les aides à l'arrachage comme une chance de revenir sur un modèle économique plus vertueux. Mais cela nécessite aussi un accompagnement du milieu financier pour aider les structures à modifier l'outil de production pour correspondre aux attentes du consommateur.
La grogne paysanne a fait grand bruit et a permis que le politique prenne le temps d'écouter les revendications. Est ce que ces derniers ont compris le besoin réel de nos paysans ? Pas certain lorsque nous les écoutons sur les médias.
Ce qui est certain, c'est la nécessité non seulement de simplifier l'administratif mais que ce dernier change de paradigme et voit le vigneron d’abord comme un administré honnête ! : une sorte de communication non violente administrative.
Prenons l'exemple d'une demande de plantation qui se base sur un cadastre. Lorsque la parcelle est plantée, le vigneron a un mois pour la déclarer aux Douanes. Cela permet d'indiquer qu'il y aura à terme des droits d’accise. Lorsque la parcelle est plantée, jusqu'à preuve du contraire elle est plantée ! Il n' y a donc pas besoin d'y revenir. Dans le cas ou une autre administration souhaite l'information : il suffit de la demander à l'autorité administrative qui détient déjà cette information. Avec l'interconnexion des systèmes d'informations, cela est possible. Le vigneron n'a donc pas besoin de faire des déclarations supplémentaires. Alors pourquoi les lui demander ? Tout simplement par ce que dans le cas où il y a une erreur, il sera responsable. On fait porter la responsabilité d'une traçabilité de l'information à quelqu'un qui n'est pas informaticien : ce n'est pas son rôle.
Le droit d'accise ou taxe sur l'alcool est aussi un axe d'amélioration non négligeable. Aujourd'hui, on ne peut pas régler sa taxe de manière globale. On parle ici de 4,05€ / Hl soit 4cts le litre pour 2024 pour les vins tranquilles (voir ici la grille des taxes d'accise pour 2024). Si un vigneron est sur une petite exploitation de 8Ha avec un rendement de 30Hl/Ha (ce qui est bien pour un vigneron en biodynamie), on parle donc au maximum d'une taxe de 972 euros. Le vigneron doit faire un calcul d'inventaire tous les mois et le déclarer pour payer la taxe due uniquement sur les bouteilles vendues. Il doit aussi faire cet inventaire à la fin de l'année. Je n'ai pas parlé de la part des anges soit une tolérance de 5% par rapport au volume de récolte déclaré.
En effet sur un gros producteur ou négociant dont l'objectif est de maximiser les rendements et qui va faire plusieurs milliers de cols, la note est importante. On comprend que ce mode de calcul est primordial pour lui : question de trésorerie. Mais nous ne sommes pas dans le même paradigme économique. C'est comme comparer Total à l'épicier du coin. Pourquoi ne pas laisser le choix au vigneron de payer en une seule fois son accise évitant ainsi une déclaration mensuel ?
Nous n'aborderons pas le sujet réglementaire du phyto qui est en soit une très bonne chose. De plus, le marché demande à ce que le paradigme culturale change : alors changeons. Ce n'est pas simple mais c'est être en phase avec son marché.
La nouvelle réglementation sur l’étiquetage a dans un premier temps fait scandale. C'est une opportunité incroyable pour le vigneron de se reconnecter aux consommateurs. En biodynamie et en méthode nature, c'est le moyen de montrer que l'on fait du vin sans produit nocif pour la santé : c'est une demande croissante des nouveaux consommateurs.
Dans ce chapitre administratif, on veut faire passer deux messages. Le premier c'est de simplifier les démarches en mutualisant les données numériques. Cela a un certain coût mais c'est à l'état que de le financer car c'est bien lui le demandeur. Le deuxième c'est de voir le vigneron comme une personne honnête et de lui laisser le choix. Ce respect ou approche de communication non violente va valoriser les missions de l'administration qui doit avoir un rôle d'accompagnement et d'explication (comme pour le service des impôts). C'est comme pour éduquer son enfant : Comment peut-il comprendre si on ne lui explique pas pourquoi il se trompe ?