En goutant un vin au caveau chez le vigneron, chez des amis ou encore au restaurant, vous vous êtes certainement demandé comment le vin pouvait dégager des notes de fruit comme l'agrume, le fruit exotique ou encore les fruits rouges comme la fraise perceptible même par un néophyte ?
Par Stéphane R Le : 27-07-2024
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Les levures sont des microorganismes spécialisés jouant un rôle crucial dans le processus de fermentation. Toutes les levures ont la capacité de libérer des composés aromatiques appelés thiols, qui contribuent de manière significative au profil olfactif et gustatif des vins. Leur particularité réside dans leur aptitude à transformer des précurseurs inodores présents dans le raisin en molécules aromatiques puissantes, enrichissant ainsi la complexité des vins.
Ces levures appartiennent principalement à l'espèce Saccharomyces cerevisiae, mais certaines souches sont développées spécifiquement par les industriels pour leur capacité à révéler les thiols. Leur utilisation permet de maximiser le potentiel aromatique du vin, en mettant en valeur des notes fruitées et exotiques caractéristiques de certains cépages comme le Sauvignon Blanc ou le Colombard. Mais dans notre cas (en biodynamie et en méthode nature), nous faisons confiance à nos levures indigènes capables de faire le job. A charge au vigneron de vinifier dans un mode adapté et d'avoir une matière première de qualité !
Les thiols jouent un rôle fondamental dans la fermentation, en particulier pour l'élaboration de vins blancs et rosés aromatiques. Ces composés volatils sont responsables d'arômes intenses et complexes, évoquant des notes de fruits exotiques, d'agrumes ou de buis. Leur présence, même en quantités infimes, peut avoir un impact considérable sur le bouquet final du vin. Les principaux thiols d'intérêt œnologique sont le 3-mercaptohexanol (3MH), l'acétate de 3-mercaptohexyle (3MHA) et la 4-mercapto-4-méthylpentan-2-one (4MMP).
L'importance des thiols ne se limite pas à leur contribution aromatique. Ils jouent également un rôle dans la stabilité oxydative du vin, agissant comme des antioxydants naturels qui protègent les autres composés aromatiques sensibles à l'oxydation. Cette double fonction fait des thiols des éléments essentiels pour la qualité et la longévité des vins, justifiant l'intérêt croissant des professionnels du vin pour les levures capables de les révéler efficacement.
La recherche sur les thiols dans le vin a débuté dans les années 1990, lorsque des scientifiques ont commencé à s'intéresser aux composés responsables des arômes caractéristiques du Sauvignon Blanc. C'est en 1995 que le premier thiol variétal, la 4MMP, a été identifié comme contributeur majeur à l'arôme de buis typique de ce cépage. Cette découverte a ouvert la voie à une série d'études approfondies sur la nature et l'origine de ces composés aromatiques puissants.
Au fil des années, les chercheurs ont progressivement élucidé les mécanismes biochimiques impliqués dans la libération des thiols pendant la fermentation. Ces avancées ont conduit au développement de techniques de sélection et d'amélioration des levures spécifiquement orientées vers leur capacité à révéler les thiols. Aujourd'hui, la recherche continue d'explorer les facteurs influençant la production de thiols, ouvrant de nouvelles perspectives pour l'optimisation de la fermentation et la création de profils aromatiques innovants dans les vins.
Le processus de production des thiols par les levures révélatrices est un mécanisme complexe qui implique plusieurs étapes enzymatiques. Ces levures possèdent des enzymes spécifiques, notamment des β-lyases, capables de cliver les précurseurs de thiols présents dans le moût de raisin. Ces précurseurs, principalement des conjugués cystéinylés et glutathionylés, sont inodores et ne contribuent pas directement à l'arôme du vin. C'est l'action des levures qui transforme ces molécules en thiols volatils aromatiquement actifs.
La production de thiols se déroule principalement pendant la fermentation alcoolique. Les levures absorbent les précurseurs, les transportent à l'intérieur de leurs cellules, où les enzymes β-lyases entrent en action. Cette conversion enzymatique libère les thiols sous leur forme volatile, qui sont ensuite excrétés dans le milieu fermentaire. L'efficacité de ce processus varie considérablement selon les souches de levures, certaines étant plus performantes que d'autres dans la révélation des thiols, ce qui explique l'importance de la sélection des levures dans l'élaboration des vins aromatiques.
Les facteurs environnementaux jouent un rôle crucial dans l'efficacité des levures révélatrices de thiols. La température de fermentation est l'un des paramètres les plus influents. Des températures plus basses, généralement entre 16°C et 18°C, favorisent la production et la préservation des thiols, tandis que des températures plus élevées peuvent entraîner leur dégradation ou leur évaporation. De même, le pH du moût affecte l'activité enzymatique des levures, avec un pH légèrement acide (entre 3,0 et 3,5) généralement considéré comme optimal pour la révélation des thiols.
La disponibilité en nutriments, en particulier l'azote assimilable, est également déterminante. Une carence en azote peut limiter la croissance des levures et, par conséquent, leur capacité à produire des thiols. À l'inverse, une supplémentation adéquate en azote peut stimuler l'activité des levures et augmenter la production de thiols. D'autres facteurs, tels que la turbidité du moût, la présence d'oxygène et la concentration en sulfites, influencent également le métabolisme des levures et leur capacité à révéler les thiols, soulignant l'importance d'une gestion précise des conditions de fermentation pour optimiser la production de ces arômes recherchés.
Les levures révélatrices de thiols n'agissent pas de manière isolée dans le processus de fermentation. Elles interagissent avec d'autres microorganismes présents dans le moût, notamment d'autres espèces de levures et des bactéries. Ces interactions microbiennes peuvent avoir des effets significatifs sur la production de thiols. Par exemple, certaines levures non-Saccharomyces, comme Torulaspora delbrueckii ou Metschnikowia pulcherrima, peuvent influencer positivement la libération des thiols.
Les bactéries lactiques, responsables de la fermentation malolactique, peuvent également affecter le profil thiolé du vin. Certaines souches de bactéries ont montré une capacité à préserver, voire à augmenter légèrement, la concentration en thiols pendant la fermentation malolactique, tandis que d'autres peuvent les dégrader.
Pour exprimer un profil fruité d'un vin, nous avons vu que l'environnement fermentaire joue un rôle déterminant. On a évoqué, la température, la sommes des nutriments, les type de levures et de bactéries présent dans le moût, le PH et l'acidité total. Certains paramètres échappent aux vignerons comme la population levurienne présent naturellement au sein du Chai et sur le raisin. Les autres paramètres dynamiques par contre, sont du ressort du vigneron : gestion de la maturité du raisin et des composantes biochimiques adaptées à une bonne fermentation (TAVP/Nass). Le vigneron par sa technique de travail en vinification va être capable d'orienter le profil aromatique de son vin et cela sans produit oenologique (LSA sélectionnées, Nass, correcteur d'acide etc ...)