Confusion sexuelle et ravageurs de la vigne

Confusion sexuelle et ravageurs de la vigne

La vigne a son lot de ravageurs dont certains peuvent anéantir une récolte entière et/ou infliger des dégâts sournois au cep qui a terme mourra. Contre ces ravageurs, la confusion sexuelle représente une solution relativement efficace qui doit être complémentaire des autres traitements mais surtout en adéquation avec les auxiliaires présent au sein de la vigne ou en zone limitrophe. C'est une approche novatrice qui nécessite dans un premier temps de connaître les ravageurs qui habitent ou viennent dans la parcelle et maîtriser la mise en place de l'action. L'objectif est de réduire l'impacte (la pression) du ravageur tout en limitant l'impacte écologique.

Par Domaine de la Biodynamie Le : 13-01-2025

Introduction à la confusion sexuelle dans la vigne

Définition et principes de la confusion sexuelle

La confusion sexuelle repose sur un principe biologique très simple : l'utilisation de phéromones synthétiques pour perturber le cycle reproductif des insectes ravageurs. Ces substances chimiques, identiques à celles naturellement émises par les femelles pour attirer les mâles, sont diffusées en quantité importante dans les parcelles. Cette saturation de l'atmosphère empêche les mâles de localiser leurs partenaires, réduisant ainsi de manière très significative les accouplements et de ce fait les pontes subséquentes.

En effet ce qui est important c'est de limiter les générations suivante. Les ravageurs vont avoir un cycle de vie court mais chaque génération va croitre. Donc il n'est pas possible d'anéantir la présence du ravageur mais il est possible de bloquer (limiter) la ponte des générations futures. C'est pourquoi il faut dans un premier temps savoir quel(s) ravageur(s) est présent dans la parcelle avant de choisir le principe actif.

On appel cela «  lutte intégrée »

L'intégration de la confusion sexuelle dans une stratégie globale de protection du vignoble représente un pilier fondamental de la viticulture durable. Cette méthode s'inscrit dans les programmes de lutte intégrée, permettant de réduire de manière assez significative l'utilisation de pesticides conventionnels tout en maintenant une protection efficace contre les ravageurs cibles. On doit coupler avec cette confusion, l'emploi des auxiliaires. Un auxiliaires est une espèce non invasive et surtout non destructrice de la vigne qui va se nourrir de ces ravageurs. La difficulté est donc de faire venir au sein de son exploitation les auxiliaires qui correspondent aux ravageurs présents dans la parcelle. Il faut de ce fait que la confusion restreigne mais n'éradique pas le ravageur de tel sorte que les auxiliaires restent au sein de l'exploitation pur se nourrir et pour se reproduire : il faut créer une cohabitation et accepter d'avoir parfois des pertes de rendements.

Historique et développement de la méthode

Développée initialement dans les années 1970, la technique de confusion sexuelle n'a cessé d'évoluer, bénéficiant d'avancées technologiques significatives dans la formulation des phéromones et les systèmes de diffusion. Son adoption croissante témoigne de son efficacité et de sa pertinence dans le contexte actuel de transition écologique.

Identification des ravageurs cibles

Phylloxéra

Le phylloxéra est un puceron microscopique qui a marqué l'histoire de la viticulture européenne. Cet insecte s'attaque aux racines des vignes européennes, provoquant leur dépérissement progressif. Son mode d'action est particulièrement destructeur car il crée des galles sur les racines, perturbant ainsi l'absorption des nutriments.

La solution principale contre ce ravageur a été le greffage des cépages européens sur des porte-greffes américains naturellement résistants. Cette pratique, toujours d'actualité, constitue l'un des plus grands succès de la lutte contre les ravageurs en viticulture.

Eudémis (tordeuse ou ver de la grappe)

Eudémis est un papillon dont les larves causent des dégâts importants sur les grappes de raisin. Ces chenilles se nourrissent des fleurs et des baies, créant des portes d'entrée pour les maladies cryptogamiques comme la pourriture grise. Leur activité se manifeste en plusieurs générations au cours de la saison viticole.

La surveillance des populations d'eudémis est cruciale et s'effectue notamment grâce à des pièges à phéromones. Les dégâts sont particulièrement préoccupants car ils affectent directement la récolte et peuvent compromettre la qualité du vin.

Cochylis (tordeuse ou ver de la grappe)

Cochylis est une autre espèce de tordeuse qui partage de nombreuses caractéristiques avec l'eudémis. Il est très rare que les deux espèces cohabitent dans la même parcelle. Ces papillons pondent leurs œufs sur les grappes, et les larves qui en émergent s'attaquent aux fleurs et aux baies. Leur présence est particulièrement problématique car elle favorise le développement de la pourriture grise.

Les dégâts occasionnés par la cochylis sont similaires à ceux de l'eudémis, mais leur cycle biologique et leur période d'apparition peuvent différer, ce qui nécessite une adaptation des stratégies de lutte.

La Cicadelle de la flavescence dorée

La cicadelle de la flavescence dorée est un insecte vecteur particulièrement redouté car il transmet la flavescence dorée, une maladie grave de la vigne. Cet insecte piqueur-suceur prélève la sève des plants contaminés et peut transmettre la maladie à des vignes saines lors de ses piqûres d'alimentation.

La lutte contre ce ravageur est obligatoire dans de nombreuses régions viticoles en raison du caractère épidémique de la maladie qu'il transmet. Sa présence nécessite une surveillance accrue et des interventions rapides pour limiter la propagation de la flavescence dorée.

La Cicadelle bubale

La cicadelle bubale est un insecte piqueur-suceur qui s'attaque aux feuilles de vigne. Bien que moins dangereuse que la cicadelle de la flavescence dorée, elle peut causer des dommages significatifs en cas de forte infestation, notamment en affaiblissant les plants par ses prélèvements de sève.

Les symptômes de sa présence se manifestent par des piqûres sur les feuilles qui peuvent entraîner leur dessèchement partiel. La surveillance des populations est importante pour éviter les pullulations qui pourraient compromettre la vigueur des vignes.

Eulia ou petite tordeuse

Eulia est une tordeuse de plus petite taille qu'Eudémis et Cochylis, mais tout aussi préoccupante. En effet ses larves s'attaquent aux feuilles et aux grappes, créant des dégâts qui peuvent impacter la qualité de la récolte. La gestion de ce ravageur nécessite une surveillance attentive des populations et une intervention adaptée au cycle biologique de l'insecte. Les dommages peuvent être particulièrement importants en début de saison car les larves s'attaquent aux jeunes pousses.

La Drosophile japonaise

La drosophile japonaise est un ravageur émergent. Contrairement aux drosophiles communes, elle est capable de pondre dans les fruits sains, causant des dégâts directs aux baies de raisin en cours de maturation. Cela va développer la pourriture grise et de ce fait engendrer un problème sur les vinifications avec les déviations associées. Ce ravageur est donc particulièrement problématique et en plus, il peut se multiplier rapidement. Sa gestion nécessite une approche préventive et une surveillance accrue des parcelles.

Les ravageurs secondaires de la vigne

Les ravageurs secondaires comprennent une variété d'insectes qui, bien que moins dommageables individuellement, peuvent causer des dégâts significatifs en cas de pullulation. Parmi eux, on trouve des acariens, des thrips et diverses espèces de cochenilles.

Leur présence doit être surveillée car ils peuvent devenir problématiques dans certaines conditions, notamment lors de déséquilibres écologiques ou de conditions climatiques favorables à leur développement.

Mise en œuvre de la confusion sexuelle

La gestion des ravageurs en viticulture comme vous avez pu le lire, nécessite une approche globale et raisonnée. Les méthodes de lutte doivent être adaptées à chaque situation et tenir compte des spécificités locales, des cycles biologiques des ravageurs présents sur les parcelles et des conditions climatiques.

Une stratégie efficace combine généralement plusieurs techniques de protection, depuis la prophylaxie avec les auxiliaires, les actions directes avec les produits phytos et la confusion sexuelle. L'objectif est bien de privilégier les solutions les plus respectueuses pour l'environnement et donc la biodiversité : favoriser la venu des axillaires.

Stratégies de la lutte intégrée

La lutte intégrée repose sur une combinaison de méthodes complémentaires visant à maintenir les populations de ravageurs sous le seuil de nuisibilité économique. Cette approche privilégie les solutions naturelles et n'utilise les traitements chimiques qu'en dernier recours.

Cette stratégie inclut la surveillance régulière des parcelles, l'utilisation d'auxiliaires naturels, la mise en place de mesures prophylactiques et l'application de méthodes de biocontrôle comme les phéromones de confusion sexuelle.

Installation et entretien des diffuseurs de phéromones

L'utilisation de diffuseurs de phéromones constitue une méthode de lutte efficace contre certains ravageurs, notamment les tordeuses de la grappe. Cette technique de confusion sexuelle perturbe la reproduction des papillons en saturant l'atmosphère de phéromones synthétiques.

Le succès de cette méthode repose sur une installation correcte des diffuseurs avant le début des vols des papillons et sur une répartition homogène dans la parcelle. Un entretien régulier et un renouvellement adapté des diffuseurs sont essentiels pour maintenir leur efficacité tout au long de la saison.

La mise en place des diffuseurs nécessite une planification minutieuse. Les dispositifs doivent être installés avant le début du vol des papillons, généralement au printemps. Une densité optimale de 500 à 600 diffuseurs par hectare est recommandée, avec une attention particulière portée aux bordures de parcelles qui nécessitent un renforcement du dispositif.

Évaluation de l'efficacité et ajustements nécessaires

Un suivi régulier des populations de ravageurs, notamment par le biais de pièges de monitoring, permet d'évaluer l'efficacité du dispositif. Les observations régulières des dégâts sur grappes complètent ce dispositif de surveillance, permettant d'ajuster si nécessaire la stratégie de protection.

Quelles sont les produits disponibles pour la confusion sexuelle ?

Il y a plusieurs produits spécifiques. On a fait une liste non exhaustive avec une évaluation du cout qui peut varier en fonction de ses besoins :

  • RAK 1+2 : 500 diffuseurs/ha, coût environ 180€/ha
  • Isonet L : 500 diffuseurs/ha, coût environ 170€/ha
  • CheckMate Puffer : 2-3 diffuseurs/ha, coût environ 200€/ha

Avantages et défis de la confusion sexuelle

Réduction de l'utilisation des pesticides

La mise en œuvre de la confusion sexuelle permet une réduction significative des traitements insecticides conventionnels, pouvant atteindre 70 à 100% selon les situations. Cette diminution représente un avantage économique et environnemental majeur pour les exploitations viticoles.

Impact environnemental et biodiversité

L'absence de résidus chimiques et la préservation des auxiliaires naturels constituent des atouts majeurs de cette technique. La confusion sexuelle favorise le maintien d'un équilibre écologique bénéfique à long terme pour le vignoble et son environnement.

Les autres actions prophylactiques qui fonctionnent

La confusion sexuelle s'intègre dans un ensemble de pratiques préventives comprenant l'enherbement contrôlé, l'entretien du sol, la gestion du feuillage et l'élimination des débris végétaux. Ces mesures complémentaires renforcent l'efficacité globale de la protection du vignoble.

La confusion sexuelle représente une avancée majeure dans la protection moderne du vignoble. Son efficacité prouvée, combinée à ses avantages environnementaux, en fait un outil incontournable pour les viticulteurs engagés dans une démarche de viticulture durable. L'évolution constante des technologies et l'amélioration des formulations laissent présager un avenir prometteur pour cette méthode de lutte alternative.

IFV-ITAB : concerné et engagé

La Commission Viti/vini bio invite toutes les personnes intéressées ou concernées par le sujet des ravageurs émergents : viticulteur, technicien, chercheur, contrôleur, représentants de l'administration et des organismes à vocation sanitaire, étudiants. Dans le contexte d’évolution climatique, le vignoble français doit faire face à la menace de nouveaux ravageurs et maladies, déjà présents sur le territoire ou potentiellement à venir. Un webinaire sur l'état des lieux sur les ravageurs émergents en viticulture en France aura lieu le Mardi 21 janvier 2025 présentera les connaissances actuelles sur ces maladies et ravageurs, les dispositifs mis en place par les autorités pour anticiper leur arrivée ou contenir leur présence et les moyens de lutte disponibles en viticulture biologique.