Vin nature et ses défauts ?

Vin nature et ses défauts ?

Le Vin Nature est une quête d'authenticité, un retour aux sources de la vinification. Dans sa forme la plus pure, il est produit sans intrants œnologiques ajoutés et sous une forme qui se veut la plus proche possible du raisin tel qu'il est récolté. La définition légale du vin nature reste sujette à des débats ou la notion d'intervention ou pas est au centre. Le concensus est : "aucun intrant oenologique". Sans intervention technique en vinification, les défauts "organoleptiques" ne sont pas bien loin : sujet de crispation.

Par Stéphane R Le : 25-09-2024

Notre définition du Vin Nature

Définition du vin nature

Pour faire du vin nature, c'est premièrement avoir une approche dans la vigne qui vise à respecter le fruit et l'environnement, en utilisant des méthodes de culture biologique ou biodynamique, évitant les pesticides et herbicides chimiques.

À la cave (en vinification et en élevage), l'objectif est de ne pas faire l'usage du dioxyde de soufre (SO2) et de tout autre produit oenologique, pour préserver le caractère vivant et naturel du vin.

Quelques bouteilles de vin nature à la vente

Nous avons fait un article sur la dé consommation du vin nature en France et ses sources. Sur domaine de la biodynamie, nous avons eu la chance de gouter les cuvées proposées par les vignerons connectés.

Nous avons réalisé une page dédiée aux vins natures à la vente directement à la propriété.

Faire du vin nature c'est être à l'écoute de sa vinification

Toutefois, cette philosophie exige une vigilance accrue pour éviter les déviations organoleptiques qui peuvent altérer la qualité du vin. Nous avions déjà fait un article il y a fort longtemps sur le vin sans intrant : Lisez dans un premier temps notre article sur le vin nature avant de poursuivre sur les risques organoleptiques : les déviances & les défauts.

Processus de Fabrication du Vin Nature

Tout commence à la vigne

C'est déjà au niveau de la qualité du raisin que nous avons de très gros risques. On parlera par exemple ici de pourriture grise. Le champignon responsable est l'oïdium. En fait ce qui nous concerne c'est la conséquence de l'apparition de loïdium.

En effet c'est le Botrytis cinerea qui va être source de contamination au chai pour les vinifications. Sans rentrer dans le détail, Botrytis va développer des substances chimiques, qui vont rendre les vinifications compliquées et risque de marquer le vin.

Les autres vecteurs de risque sont portés principalement par des insectes comme par exemple des drosophiles, des punaises et bien d'autres encore. Les insectes vont dans l'ensemble piquer la baie de raisin. C'est cette piqure qui va provoquer l'infection à cause des bactéries : piqure acétique Pour prévenir tous ces risques même le gel :) le vigneron doit intervenir.

Son intervention est de mettre des produits phytosanitaires. Mais attention un produit phytosanitaire peut être par exemple une dynamisation de valériane : rien de chimique. Est considéré comme un produit de contact phytosanitaire, tout produit permettant d'avoir une action sur son environnement. Le simple fait de pulvériser de l'eau avec aucun intrant est considéré dans la règlementation "un produit phytosanitaire".

La ou les approches vin nature avec le reste diverge, va être dans l'utilisation d'adjuvant pour ajouter à l'eau pour la protection. Ces adjuvant sont des préparations biodynamiques, des solution avec du cuivre, du souffre et bien sur pour les non bio et conventionnel des produits bien plus toxiques. Donc tout va dépendre de là ou on met le curseur : je n'interviens pas y compris par une approche prophylactique de mon vignoble grâce à des auxiliaires par exemple.

Vendange manuelle et qualité de l'hygiène

La fabrication du vin nature commence par une vendange manuelle, sélectionnant les meilleurs fruits, suivie d'une vinification qui s'appuie sur les levures indigènes présentes sur la peau des raisins pour la fermentation.

Cette méthode permet de refléter au mieux le terroir et l'année de récolte. La fermentation naturelle peut être plus longue et imprévisible, nécessitant une surveillance attentive pour assurer le bon déroulement du processus.

Un travail méticuleux sur l'hygiène en cave est primordial pour pallier l'absence de sulfites ajoutés. Le contrôle des températures et la mise en bouteille sous atmosphère protectrice au gaz inerte sont des étapes essentielles pour préserver le vin de toute contamination. Ces pratiques démontrent que même avec une philosophie minimale en termes d'interventions, l'expertise et l'attention portée par le vigneron sont cruciales pour garantir la stabilité et l'intégrité du vin.

Les risques au chai pour la vinification et l'élevage

Les risques au chai sont liés à la vinification. Les risques de déviances sont liés à la manière dont se passe une fermentation. On parle de cinétique fermentaire et de gestion des températures et de population levurienne.

Dans un article sur la fabrication du  Pet Nat, on aborde ces notions.

En vinification nature, on ajoute rien : je pense que la dessus on est raccord avec tous les courants de pensée. Mais cela ne veut pas dire que le vigneron ne fait RIEN ! et laisse faire la nature. Tout vigneron qui se respecte peut agir en fonction des déviances observées : agir sur la cuve. On fera sur ce sujet un article sur les actions à entreprendre. Par contre si on cumule une vendange de mauvaise qualité avec les risques associés : le vigneron aura des difficultés à proposer un vin buvable.

Différences entre Vin Nature et Autres Types de Vins

Contrairement aux vins conventionnels, qui peuvent recevoir une panoplie d'additifs et de traitements pour standardiser leur goût, le vin nature se distingue par son caractère unique et ses variations d'un millésime à l'autre. Les vins biologiques et biodynamiques sont souvent confondus avec les vins nature, mais la différence réside dans le niveau d'intervention permis, notamment en matière d'ajout de sulfites. Les vins nature cherchent à minimiser voire éliminer l'usage du SO2, tandis que les vins biologiques peuvent en contenir dans des limites réglementées.

Le vin nature est également différent des vins 'naturels' ou 'sans intrants', qui peuvent parfois contenir des quantités modérées de SO2 ajouté. Cette distinction est importante pour les consommateurs à la recherche d'une expérience œnologique la plus non-interventionniste possible. Ainsi, le vin nature représente l'expression la plus sincère du cépage, du climat et du savoir-faire du vigneron, avec toutes ses qualités et ses éventuels défauts.

Les Déviations Organoleptiques dans le Vin Nature

Comprendre les Déviations Organoleptiques

Les déviations organoleptiques sont des altérations des propriétés sensorielles d'un vin, qui peuvent affecter son arôme, sa saveur ou son apparence. Dans le cas du vin nature, l'absence ou la faible quantité d'intrants œnologiques accroît le risque de développer ces déviations. Les plus communes incluent l'acide volatile, donnant une odeur de vinaigre, l'acétate d'éthyle, produisant une odeur de colle à papier, et l'acescence, qui se manifeste par une sensation piquante désagréable.

Il y a également l'odeur de souris, parfois détectée après que le vin a été en contact avec l'air, ou l'odeur soufrée due au H2S, et les brettanomyces (brett), des levures qui peuvent donner des arômes animaux ou de cuir. Ces déviations proviennent souvent d'un déséquilibre dans le vin ou d'une contamination microbienne, et elles sont parfois exacerbées par les conditions climatiques difficiles, qui imposent des défis supplémentaires aux vignerons lors de la vinification.

Causes des Déviations Organoleptiques dans le Vin Nature

Les causes des déviations organoleptiques dans le vin nature sont multiples. L'augmentation des concentrations en sucre et la diminution des acidités, dues à des conditions climatiques de plus en plus extrêmes, influencent directement la stabilité microbiologique du vin.

Il faut rappeler que l'acidité d'un vin (son PH et non l'AT) est un facteur de stabilité. Au dessus d'un PH de 3,5, les risques de déviance sont démultipliés. Or le réchauffement climatique avec des températures hautes en journée et durant la nuit, favorisent la consommation d'acide par la vigne (comme une protection).

Le PH diminue avec une augmentation en sus du TAVP. Si le niveau d'azote assimilable n'est pas assez haut dans la baie de raisin, la fermentation aura du mal à se faire. Si la fermentation se fait de manière languissante, avec les taux de sucres et le niveau faible de l'acidité, vous avez le cocktail idéale pour le développement des bactéries qui vont produire des molécules néfastes au vin. Sans l'ajout de SO2, qui joue un rôle antioxydant et antimicrobien, le vin est plus vulnérable aux attaques de bactéries de type acétobacter, responsable de l'acescence.

Une hygiène insuffisante en cave ou une gestion inappropriée des températures peut également entraîner des déviations. L'instabilité liée à des pratiques non interventionnistes demande une expertise accrue pour maintenir l'équilibre du vin. Bien que la fermentation naturelle produise des sulfites en petite quantité, cette production est souvent insuffisante pour protéger le vin contre toutes les formes de contamination et d'oxydation.

Comment Identifier les Déviations Organoleptiques ?

Identifier les déviations organoleptiques requiert une certaine expérience et connaissance du vin. Les dégustateurs avertis pourront reconnaître les odeurs d'acétate d'éthyle, comparables à celle de la colle scotch, ou les nuances animales des brettanomyces. L'acescence se détecte par une aigreur et une effervescence légère, tandis que l'odeur soufrée indique souvent la présence de H2S.

Les dégustateurs doivent également être conscients de la différence entre un défaut et une caractéristique propre au style du vin. Parfois, ce que certains perçoivent comme une déviation peut être apprécié par d'autres comme une complexité ou une signature du vin. Savoir discerner ces nuances est essentiel pour apprécier pleinement le vin nature et pour comprendre l'intention et le travail du vigneron.

Comment Apprécier le Vin Nature malgré les Déviations Organoleptiques

Il faut trouver l'équilibre entre le Goût Naturel et les Déviations. Apprécier le vin nature, c'est accepter son imprévisibilité et ses singularités. Trouver l'équilibre entre le goût naturel du vin et ses éventuelles déviations est un art. Il s'agit de reconnaître la frontière entre un vin avec du caractère et un vin défectueux. Les amateurs de vin nature sont souvent à la recherche de cette authenticité et de ces expériences uniques que peuvent offrir des vins moins standardisés.

La clé de l'appréciation réside dans l'éducation du palais et la compréhension des processus de fabrication. En comprenant les difficultés et les choix du vigneron, les consommateurs peuvent mieux apprécier les nuances du vin nature, en tenant compte des variations climatiques et des décisions prises pendant la vinification. L'équilibre trouvé entre l'expression du terroir et les déviations possibles est ce qui fait le caractère d'un vin nature.

Les Meilleures Façons de Déguster le Vin Nature

La dégustation du vin nature commence par l'observation de sa couleur et de sa clarté, qui peuvent varier considérablement d'un vin à l'autre. Le nez est ensuite sollicité pour percevoir les arômes primaires, secondaires, voire tertiaires, qui se révèlent être un véritable kaléidoscope olfactif. En bouche, la texture, l'équilibre entre l'acidité, le sucre, les tanins et l'alcool, et la persistance aromatique sont à apprécier avec attention.

Il est également conseillé de déguster le vin nature dans un verre adapté, à une température idéale, et si possible, sans préjugés. L'ouverture d'esprit est essentielle pour saisir la complexité et la diversité de ces vins. La meilleure façon de les apprécier est souvent de les déguster en bonne compagnie, en partageant les impressions et en discutant de leurs particularités uniques.

Apprendre à apprécier l'unicité du vin nature est un processus qui s'acquiert avec le temps et l'expérience. Chaque bouteille est le reflet d'un lieu, d'une année et d'une philosophie. Se familiariser avec les producteurs, comprendre leurs défis et leurs choix, participe grandement à l'appréciation de leur travail. Les consommateurs avertis savent que derrière chaque verre se cache une histoire, celle d'une passion pour le vin et pour la nature.

En conclusion : le degré de l'imperfection est le charme dans le vin nature

En fin de compte, apprécier un vin nature, c'est aussi accepter ses imperfections comme une partie intégrante de son identité. Il faut accepter d'avoir de légères imperfections mais qui s'équilibrent. Le rôle du vigneron grâce à son tallent est d'agir sur sa cuve afin de limiter les imperfections et d'avoir une cuvée harmonieuse.

C'est reconnaître que, tout comme les humains, les vins peuvent avoir leurs caprices et leurs humeurs, mais qu'ils sont capables d'offrir des expériences mémorables et authentiques, qui échappent souvent aux cadres rigides des normes œnologiques. Le vin nature est une invitation à explorer, à ressentir et à célébrer la diversité et la richesse de la vigne et de son fruit sans artifices.

En somme, le monde du vin nature est un univers où l'authenticité règne en maître, où chaque gorgée raconte une histoire de la terre, du climat et de l'homme. Il est le résultat d'un équilibre fragile, d'un savoir-faire ancestral et d'une volonté de préserver la pureté du fruit. Ce voyage gustatif unique est une aventure à la fois risquée et exaltante, qui nécessite ouverture d'esprit et curiosité. Les déviations organoleptiques, bien que redoutées, font partie intégrante de cette exploration et ne doivent pas être perçues comme des fautes, mais plutôt comme des fenêtres ouvertes sur la complexité et la vivacité du vin nature.